L'eau noire by Gaignault Fabrice

L'eau noire by Gaignault Fabrice

Auteur:Gaignault, Fabrice [Gaignault, Fabrice]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature Française
Éditeur: Ninick - TAZ
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


30

– Il faut que je me rince le cerveau, ça ira mieux ensuite !

Il a envie de descendre à terre.

– Où Brimo nous emmène-t-il déjà aujourd’hui ?

– Capri.

– Ah oui ! Capri, ça commence !

La première fois qu’il a retrouvé Hélène, elle sifflait cette vieille chanson à un dîner où, comme souvent dans les dîners, lorsqu’on n’a plus rien à dire, on se souvient des chansons d’hier.

Ils vont à Capri et s’enfuient vite. Trop de monde, trop de boutiques. Il lui offre des sandales et deux ou trois jolies babioles dans le style Jackie O, mais rien d’excitant. Capri c’est fini. Ils mangent une glace et demandent à l’un des marins de les conduire dans l’annexe à la grotte bleue puis à la villa Malaparte. Du convenu, mais qu’il aurait été inconvenant d’éviter. Les paysages, les villes, qu’il découvre, ont tellement été usés par les films, les documentaires, les journaux qu’il n’éprouve aucun choc. Ce qu’il voit, ce sont des photos passées au soleil, des déjà-vus. Il pense aussi : en mer tout se découpe sur une verticale (les hommes) et une horizontale (la mer). En regagnant le Cap Kod, François semble si absorbé par le monde qui l’entoure que celui-ci dévore son esprit et laisse s’agrandir en son centre un grand trou cerné de flammes. Qu’y a-t-il dans ce trou béant ? Tout n’est que cendre, mais le vide le remplit.

Leurs portables leur ont appris à peu près au même moment la mort d’une chanteuse et un massacre de jeunes. C’est la première nouvelle qui les fait soudain émerger d’un sommeil solaire. François avait assisté au concert privé que cette fille a jamais donné à Paris. Il était au premier rang dans la fosse et elle insultait son petit ami au balcon. Minuscule poids plume aux bras peints et majuscule timbre de voix. La vie, cette crête oscillante si fine si fragile, ce cheveu aux muscles saillants pouvant rompre à chaque instant et qui procure de merveilleux éclairs de bonheur aussitôt effacés de l’ardoise magique…

– Elle était complètement camée, impossible ! Je l’ai rencontrée lors d’une soirée à Londres. C’était pathétique, rien à dire, lance l’actrice en suspendant quelques instants la lecture de L’art du bonheur dans un monde incertain du dalaï-lama, un ami plus rassurant.

– La drogue, c’est comme les idées politiques, ça doit se manipuler avec précaution, renchérit Stuart songeant sans doute à ce tueur de jeunes nordiques investi d’une mission planétaire. Dans ma jeunesse, il y avait de la discipline prussienne dans l’excès. On se défonçait mais avec mesure et un certain sens du contrôle sanitaire. Le shoot oui, mais nous ne consentions à nous faire des garrots qu’en puisant dans nos garde-robes, la plus onéreuse de nos cravates achetées à Savile Row.

– Cette fille n’est pas la première à mourir à vingt-sept ans… c’est incroyable, cette coïncidence ! ose Vanessa.

– Bof, des conneries ! coupe François. D’autres grandes rock-stars avaient largement dépassé cette soi-disant date butoir pour être admis au paradis des légendes. Lennon, Harrison,



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